Antoine Perrot
Ses articles
Albert Oehlen. Le brouillon en peinture ou l’autoportrait de la peinture
« Au fond, le mot « abstrait » désigne pour moi quelque chose de dénaturé, de faussé, d’inachevé, de raté. Dans la peinture abstraite habituelle, l’artiste essaie de peindre quelque chose de figuratif et n’y arrive pas. » À les prendre au pied de la lettre, ces affirmations d’Albert Oehlen en 2011 ne distingueraient la peinture figurative de la peinture abstraite que par le ratage, la dénaturation ou par la torsion, volontaire ou non, de la figure. Mais, plus qu’une impossibilité figurative, c’est une stratégie de brouillage de tous les codes picturaux qui met la peinture en suspension et qui donne à voir une peinture en train de se faire. Albert Oehlen invente ainsi le brouillon en peinture ou le surgissement d’un autoportrait de la peinture, rendu possible par l’absence d’intention du peintre.
Entretien avec Dominique Jézéquel
De la peinture au numérique : comment la couleur conduit au numérique ?
Le tableau peut-il surgir d’une série d’absences, celle des gestes, de la matière, de la toile, de sa présence comme objet ? En choisissant de basculer son travail pictural dans le numérique, Dominique Jézéquel part de ces absences pour revendiquer cette possibilité : c’est la condition nécessaire pour que la couleur, dépouillée de tous les attributs classiques qui la donnent habituellement à voir, soit le lieu unique de l’expression. Propos recueillis par Antoine Perrot.
De l’usage du numérique en peinture
Une restitution rapide des réponses reçues à un questionnaire souhaitant explorer les différentes attitudes des peintres dans leurs usages, ou non, des outils numériques.
« Comme une manche retournée demeure une manche » (Aragon)
Pierre Soulages / Claude Briand-Picard
L’usage de matériaux industriels, partagé par un certain nombre de peintres contemporains, provoque un changement de paradigme pictural : rupture de la tradition moderniste ou continuité d’une peinture négociant avec le monde ? Pour saisir ce bouleversement, les expérimentations de Pierre Soulages avec du plastique noir, puis leur abandon, permettent d’interroger ce qui est mis en jeu dans la pratique picturale et dans la position occupée par l’artiste. S’agit-il de préserver le rapport classique entre l’artiste, l’œuvre et le spectateur, ou comme le suggèrent les œuvres d’un autre artiste, Claude Briand-Picard, de retourner la peinture, comme une manche, pour en travailler la réalité ?
Ralentir peintures : réponses à un questionnaire
Publication des 47 réponses reçues à la suite de l’envoi par Antoine Perrot d’un questionnaire à des artistes, critiques et philosophes. Les questions étaient les suivantes :
1. À quelle peinture avez-vous affaire ou souhaitez-vous avoir affaire ?
2. Vous apparaît-il qu’existe quelque chose comme « un lieu pictural », qui serait ou ne serait pas celui de l’image ?
3. Pouvez-vous donner des exemples où l’utilisation de la peinture comme argument vous a énervé(e) ?
4. Y a-t-il des pratiques ou des discours qui, parce qu’ils bousculeraient la peinture, vous laissent perplexe ou vous semblent vivifiants ?
5. Pourquoi la peinture se maintient-elle ?
La peinture : une possibilité négative ?
Restitution très partielle et partiale d’une quarantaine de réponses reçues à un questionnaire adressé à des artistes, des critiques et des philosophes. Ces réponses — plus particulièrement les réponses à la cinquième question : « Pourquoi la peinture se maintient-elle ? » — dessinent un engagement dans la peinture qui revendiquerait une temporalité partagée entre une origine, lieu de légitimation, et un présent arrêté : puisque la peinture est toujours déjà-là, faisons de la peinture. La peinture aurait ainsi acquis une inefficacité active, qu’on pourrait appeler, sous la forme d’un oxymore, une possibilité négative.
Peindre après la mort de la peinture.
Violence et reprise dans les œuvres de Steven Parrino.
En clamant « peindre après la mort de la peinture », Steven Parrino affirme par la violence qu’il perpètre contre le support de la peinture et non pas contre la peinture elle-même, que seul un geste de révolte peut mettre fin à la fétichisation à laquelle la peinture minimaliste et monochrome ont abouti. De cette violence qui laisse apparaître à la fois le processus formel et codé de la peinture et sa reprise, surgit de manière ambiguë une réappropriation de la peinture : comment un geste radical, un geste pictural contre la peinture – et pas aussi destructeur qu’annoncé - ouvre-t-il une nouvelle expérience de la peinture ?
À propos
Antoine Perrot est artiste, maître de conférences en arts plastiques (École des arts de la Sorbonne, Université Paris1 Panthéon-Sorbonne). Dernier livre : Ce que disent les peintres. Entretiens réunis par Sandrine Morsillo & Antoine Perrot, Paris, L’Harmattan, Col. Pratiques picturales, 2019.