Peindre après la mort de la peinture.

Violence et reprise dans les œuvres de Steven Parrino.

Résumé

En clamant « peindre après la mort de la peinture », Steven Parrino affirme par la violence qu’il perpètre contre le support de la peinture et non pas contre la peinture elle-même, que seul un geste de révolte peut mettre fin à la fétichisation à laquelle la peinture minimaliste et monochrome ont abouti. De cette violence qui laisse apparaître à la fois le processus formel et codé de la peinture et sa reprise, surgit de manière ambiguë une réappropriation de la peinture : comment un geste radical, un geste pictural contre la peinture – et pas aussi destructeur qu’annoncé - ouvre-t-il une nouvelle expérience de la peinture ?

Plan

Texte intégral

Il est toujours difficile en tant qu’artiste de démêler face à l’œuvre d’un autre artiste ce qui, tout à la fois, nous intimide et nous fascine, ce qui simultanément est nôtre et étranger à notre propre pratique. Ce double mouvement est toujours suspendu à une interrogation : comment la peinture crée-t-elle de la présence et se rend elle-même présente ? L’œuvre de Steven Parrino, qui instaure sa présence par la violence, éblouit par sa radicalité et précipite une série de troubles : violence ou image de la violence ? Destruction de la peinture ou « reprise » ? Rupture et démesure ou restitution d’une puissance perdue ?

Lectures superficielles

En premier, pour aborder cette œuvre, c’est-à-dire pour la regarder telle qu’elle se présente, il faut écarter deux types de lectures dominantes qui évacuent trop rapidement « ce qui fait peinture » pour tresser un mythe autour de la figure du peintre :

La première lecture s’empare au plus vite d’un effet superficiel : l’œuvre y est envisagée comme une « destruction de la peinture », ou comme un « acte de vandalisme perpétré sur des toiles » [1]. Un regard attentif – celui d’un peintre sans doute – n’y reconnaît ni cette intention, ni cette action. Plusieurs indices le montrent clairement : pour froisser la toile, la distordre, la mettre sous tension, Parrino prend soin avant même d’exécuter ce geste de laisser suffisamment de toile vierge pour la réadapter au châssis. Ce soin dénote la conscience d’un processus et des nécessités matérielles que le résultat demande. Jamais un vide ou un bord du châssis n’est visible [2] ; la toile n’est jamais brutalisée au point que dominerait l’idée d’une dislocation totale de ce qui fait peinture : un acte de vandalisme n’aurait pas cette délicatesse vis-à-vis de la peinture – c’est-à-dire de préserver suffisamment ses codes conventionnels. Un autre code, rarement transgressé, est la verticalité, position traditionnelle de l’accrochage d’une peinture, que Parrino conserve généralement pour présenter ses œuvres. Quand celle-ci ne l’est pas, que la peinture est « à terre », il s’agit d’un accident de la peinture (« Crash »), au pire d’un « suicide », comme l’indiquent les titres des œuvres, mais un suicide aidé comme un ready-made peut-être aidé. S’il y a donc dans certaines œuvres un basculement entre verticalité et horizontalité, celui-ci ne permet pas plus d’énoncer qu’un principe d’entropie est à l’œuvre. Même lorsque Parrino attaque avec violence des plaques de placoplâtre, ou qu’il casse les châssis d’anciennes toiles après les avoir repeintes en noir et les présente brisées entre sol et mur, il laisse souvent comme un repère qui permet de reconstituer le processus - un signe mémoriel ? – un tableau non agressé, accroché comme toute peinture [3]. Ce qui se joue est donc plus un propos pictural qu’une destruction, plus un « faire », un gain qu’une perte, plus une surenchère qu’une profanation : une violence certes, mais une violence maîtrisée, plus proche d’une défiguration que d’une destruction, qui rétablit les « pouvoirs » de la peinture, et plus particulièrement sa présence.

La deuxième lecture à écarter perçoit dans ces œuvres, des « objets revenants », des « spectres d’abstraction » ou « des peintures mortes-vivantes », comme le suggère par exemple Vincent Pécoil. Mais ces dénominations sont contradictoires avec la recherche par Parrino d’une présence physique des œuvres [4] ; œuvres qui opposent une résistance visuelle bien trop présente, jusqu’à voler l’espace du spectateur dans certains cas et qui demande alors à ce dernier, par leur position décalée dans l’espace, une mise en mouvement héritée du minimalisme. Et c’est trop facilement emboîter le pas aux bons mots que l’artiste sème dans ses entretiens quand il parle par exemple d’ « abstraction-zombie » [5] ou qu’il se décrit « comme le Dr Frankenstein quand il travaille » [6] ou encore lorsqu’il multiplie les références à « la fin de la peinture » et à la « contre-culture » dans les titres de certaines de ses œuvres [7]. Il semble que se construise là un mythe, qui mélange plus ou moins adroitement l’image rebelle de l’artiste, celle plus ou moins anarchiste du « biker » et du musicien de rock, avec de multiples références à la « contre-culture », allant de Rat Fink à la « famille Manson », au punk de son enfance et au rock. Mais cette contre-culture, qui viendrait prendre corps dans l’œuvre de Parrino, rappelle simplement le tourbillon néo-avant-gardiste, inclus depuis le début des années 70 dans la trousse de travail de nombreux artistes, où s’enchevêtrent les questions récurrentes du majeur et du mineur, de la haute culture et de la culture populaire, de l’effraction toujours recherchée de la vie dans l’art.

Mort de la peinture : une nouvelle liberté

Ce récit prospère sur une déclaration de Parrino maintes fois répétée : « Quand j’ai commencé à travailler à la fin des années 1970, la sentence qui avait cours à propos de la peinture était qu’elle était morte. Animé par un intérêt nécrophile, je me suis saisi de la forme pure de la peinture – le monochrome – et j’en ai bouleversé la surface » [8]. Ne retenant que le terme de « nécrophile », la critique ne relève pas que Parrino ne parle pas de destruction, mais simplement du bouleversement de la surface de la peinture. En focalisant sur cette déclaration pour faire basculer l’œuvre de Parrino dans une maison hantée par les fantômes de la peinture, on soustrait l’œuvre à tout regard et on sous-estime la présence picturale qu’elle a acquise. Mais c’est également oublier que cette assertion de la « mort de la peinture » s’inscrit dans une longue généalogie [9], qui trouve sa confirmation dans la conférence de Douglas Crimp, « The end of Painting », publiée dans la revue October au printemps 1981 [10]. La « mort de la peinture » est ainsi un fait d’école partagé dans les années 1980 par de nombreux jeunes artistes qui tenteront d’y répondre au moyen de la peinture elle-même. Julian Schnabel, parmi d’autres, fera le même constat : « Je me suis dit que si la peinture était morte, c’était un bon moment pour commencer à peindre… » [11]. Hormis le fait que ces deux artistes aux parcours si dissemblables feront usage d’une brutalité nouvelle vis-à-vis du support de la peinture [12], cette « mort de la peinture » est plutôt le signe d’une nouvelle liberté et de la possibilité d’un nouvel investissement que de l’érection de fantômes sur le catafalque de la peinture. C’est ce sentiment d’une ouverture que raconte aussi le musicien Rhys Chatham à propos de son propre parcours dans les années 1980, et dont les propos, mais aussi les processus utilisés dans ses pièces musicales de ces années là, peuvent être mis en parallèle avec les questions que rencontrent les peintres de la génération de Parrino : « Les travaux du mouvement moderne en général, ceux de John Cage et des artistes du mouvement Fluxus en particulier, nous avaient finalement libérés de notre servitude envers l’académisme, les musées et l’establishment musical. La question de l’avant-garde avait été abandonnée au profit de celle de la postmodernité : “Maintenant que nous disposons de cette liberté, qu’allons-nous en faire ?” » [13] Et Rhys Chatman, qui faisait partie, en 1980, d’un cercle constitué des plasticiens Robert Longo, Cindy Sherman, Michael Zwack, Troy Brantuch et Richard Prince, pose le problème dans des termes qu’on retrouve précisément dans l’œuvre de Parrino : « Après un certain nombre de conversations avec Longo, je pris conscience que nous nous posions les mêmes questions. […]. Longo et sa génération avaient grandi dans le contexte de l’abstraction et de l’art conceptuel. […] L’une des préoccupations de Longo et de ses collègues était d’opposer représentation et appropriation. » [14]

C’est donc face à un constat et à des choix partagés avec d’autres artistes que les solutions picturales mises en œuvre par Steven Parrino acquièrent leur pertinence : que faire, comment peindre, ou comment s’entêter à peindre lorsque les principes et les moyens de la peinture sont simultanément exténués et disponibles ? Que faire de cette liberté de peindre, ouverte à tous les possibles, mais incapable de retrouver une origine, un geste innocent, une présence évidente ? Face à cette double injonction, où le choix de la peinture est coincé entre des savoir-faire périmés et l’héritage d’une histoire de la peinture qui se serait épuisée, et une obligation de dépassement, la révolte est la réponse la plus directe : user de la dissonance, fonder sa pratique sur l’agressivité, ou violenter le support de la toile, c’est-à-dire le lieu même d’où l’on vient et où l’on se tient. Mais cette violence en soi ne crée pas une présence, elle n’oblitère pas l’héritage et risque de s’exténuer dans une pratique qui devient vite simulacre – on peut penser par exemple aux « colères » d’Arman ou aux lacérations trop nettes, trop esthétisées dans leur répétition de Fontana.

Représentation et appropriation

Steven Parrino est donc confronté aux mêmes enjeux que Robert Longo – mais aussi d’autres artistes comme Peter Halley. Si la peinture est exténuée, après les leçons du minimalisme, du Pop art et de l’art conceptuel, elle ne peut retrouver une assise qu’en admettant soit des procédures extérieures à la peinture, l’appropriation, soit des effets de représentation selon des liens référentiels, plus ou moins distendus, avec le monde ; c’est-à-dire en recherchant des points d’appui à l’extérieur d’elle-même et en se confrontant aux flux permanents d’images et de sons, à la pression des média de masse et à la saturation de la culture de consommation. Il n’est donc pas étonnant de trouver des déclarations des uns et des autres qui convergent même si les solutions plastiques retenues seront différentes. Rhys Chatman, rappelant qu’il fait partie, avec Longo, d’une génération soumise à cette pression, décrit ainsi ces choix : « Il nous semblait parfaitement naturel d’utiliser les images et les sons des médias électroniques comme matière première de notre travail. La question était plutôt de savoir si nous voulions simplement nous approprier ces images et ces sons, comme l’avait fait Andy Warhol avec ses célèbres boîtes de soupe et ses boîtes Brillo, ou si nous voulions plutôt les “représenter”, leur appliquer une sorte de filtre personnel, imprimant ainsi notre marque et notre vision de la société sur l’objet d’art ». Parrino fait également référence à cet environnement envahissant, « Le vacarme permanent de Manhattan, de toutes les voitures, de tous les camions et de l’électricité. […] De la musique à mes oreilles, de l’art pour mon âme, des accords bourdonnant puissamment et du feedback [15] », tout autant qu’il revendique une part de subjectivité liée à la pratique de la peinture : « La prise de décisions ne peut plus être purement programmatique comme dans les premières pratiques conceptuelles, on ne peut pas plus qualifier cette prise de décision par la théorie qui est totalement extérieure à l’expérience de l’artiste […] Je réaligne ces idées à travers un filtre de subjectivité. [16] » ou encore une complicité intellectuelle, si ce n’est visuelle avec le Pop Art et principalement à Andy Warhol « Il existe une génération pour qui le geste warholien est une seconde nature […] Je suis le seul qui reconnaisse cette référence dans leur travail (comme je peux le reconnaître dans le mien). [17] »

C’est principalement dans certains dessins de Parrino que se révèle le mieux cette double contrainte, l’appropriation et la représentation, qu’il combine le plus souvent par superposition. La caractéristique principale de ces dessins est de jouer sur une redistribution hardie de conventions visuelles appartenant à des univers picturaux différents [18] : au lieu de s’en tenir à reprendre seulement des images de média de différents genres (quotidiens, comix, badges de motards…), il les surinvestit en y introduisant des formes primaires peintes en noir, qui rappellent la peinture moderniste, ou en leur superposant ces formes primaires qui, en les cadrant, les extirpent de leur origine et les détachent de leur référent. Il réussit ainsi à concilier - même si le geste est brutal -, plutôt que de les opposer, l’appropriation et la représentation. Cette hybridation, qui peut être vue tout à la fois comme un arrachement de l’image à son contexte et comme une saturation de celle-ci, rend visible une procédure dont il usera également dans ces peintures. Elle présuppose que les formes primaires de la peinture moderniste ont le même statut d’image que celles empruntées aux médias, et que toutes deux sont disponibles - ou davantage, si on le peut le dire ainsi, sont prêtes à l’accueil de l’autre et la violence de leur rapprochement n’est qu’une manière d’exalter le frottement de deux champs picturaux que l’histoire a toujours opposés.

Cette disponibilité des formes – des images ? - , sur laquelle nous reviendrons, facilite les emprunts et leur coexistence. Mais, en cherchant toujours à les situer par rapport à leur origine, on n’envisage que les caractéristiques propres de ces emprunts sans interroger les transformations qu’ils subissent, comme le rappelait Leroi-Ghouran en soulignant que « ce qui est important dans l’emprunt, ce n’est pas l’objet qui entre dans le groupe technique nouveau, c’est le sort qui lui est fait par le milieu intérieur » [19]. Et dans ces dessins, comme dans les peintures, les déplacements liés aux emprunts constituent un geste de traduction d’un système visuel à un autre, et vice-versa. Une traduction instable, où se mêlent aussi bien une visée parodique et un emportement réjouissant qu’une émancipation des conventions et l’invention d’une nouvelle esthétique. Une traduction peut-être impossible, où l’un comme l’autre des emprunts nie une part de l’autre. Comme si ce qui avait été évacué historiquement de la peinture abstraite réapparaissait dans les trous des formes primaires et que ressurgissait un effet de réel. Ou à l’inverse, comme si la photographie ou l’image populaire était recouverte afin de ne plus former un récit et dans cette mise à distance devenait plus ou moins abstraite. On ne peut s’empêcher alors de rapprocher ce jeu de traduction de celui de la « reprise » en musique.

La reprise

La reprise est, en suivant la définition donnée par Christophe Khim à propos de la musique, non seulement une réactualisation d’un événement (linguistique, social, culturel, sonore, etc.), le fait de le rejouer, mais aussi un déplacement, qui crée un écart et une distanciation par rapport à l’événement premier : « Toute reprise est active et rétroactive, et se détermine dans les distances et les écarts produits entre un point d’origine et son actualisation. Toute reprise est le produit, mais aussi la marque d’une expérience de subjectivation. [20] » Et l’exemple qu’il donne de la reprise par Jimi Hendrix de l’hymne américain ne peut pas ne pas faire penser aux « reprises » que joue également Parrino dans sa peinture : « Les prises “limites”, retenues par Hendrix sur l’original dans le déplacement d’une exécution orchestrale, militaire et académique, vers un solo de guitare électrique, avec saturation, effet larsen, distorsion, renouvellent profondément l’original sans pour autant le faire disparaître. Elles recentrent l’exécution sur les qualités propres de l’instrument électrique et amplifié, de sa manipulation et de son usage par le musicien ; elles inscrivent la performance de l’exécutant au cœur du dispositif de production de la musique, qu’il porte à son état de rupture (jusqu’à destruction et sacrifice de l’instrument). [21] » En analysant, rapidement dans un premier temps, les procédures mises en œuvre par Parrino, deux principaux éléments de la reprise se donnent à voir : un point d’origine est clairement établi par l’usage assumé d’un corps pictural déjà codé et devenu « classique » (la peinture à bandes et le monochrome) ; dans un deuxième temps, les manipulations, torsions et arrachements de la toile faits manuellement marquent un écart dans la pratique picturale et un changement du processus. Ce déplacement fait porter l’attention, non plus sur l’exercice périlleux et répété de la spécificité du médium et de son autonomie, mais sur les qualités d’objet de la peinture. Elle extériorise la peinture, sans faire disparaître le modèle pictural qui la sous-tend. Elle ne tend donc pas à la destruction de la peinture pas plus que la reprise musicale par Jimmy Hendrix vise à la destruction de la musique (il s’agit, rappelle Christophe Kihm, de celle de l’instrument). Au contraire, ce jeu de la reprise est un art de défaire et de refaire qui permet un autre retournement : la possibilité retrouvée d’un geste ou d’une action. Cette reprise d’une possible performance de l’artiste rappelle avec ironie et tout en le rendant aussitôt caduc, un autre modèle, les gestes de l’action painting. Mais elle a aussi pour effet de réintroduire l’artiste au « cœur du dispositif de production », soit de remettre en cause la « disparition de l’auteur » qui a accompagné une partie de la peinture moderniste, le monochrome et le minimalisme.

La peinture de Steven Parrino confronte ainsi le spectateur à un double jeu permanent : elle le rassure en lui proposant d’y reconnaître ses marques et elle le déstabilise par un geste qui serait plus une implosion qu’une explosion. La combinaison de ces deux temps de perceptions souligne l’écart temporel entre le modèle emprunté et la reprise, et introduit dans la peinture un pari indécidable où la perte et le gain sont simultanément présents. Et c’est l’enchevêtrement de cette perte et de ce gain, dans des œuvres dont la présence semble trop évidente, qu’il faut interroger.

La perte et le gain

La reprise du monochrome et de la peinture à bandes, qui est systématisée par Parrino, affirme une perte. Comme de nombreux autres artistes des années 1980, Parrino traite l’héritage de la peinture moderniste comme une histoire close sur elle-même : il hérite d’une boîte à outils et de ses modes d’emploi. L’abstraction, ou du moins les formes de l’abstraction sont désormais exploitables comme des ready-made [22], aussi bien que toutes les images des média et de la culture populaire. L’artiste peut puiser, combiner, retraiter les structures formelles abstraites à sa guise, comme le souligne Hal Foster : « Les deux principales versions de l’art postmoderniste avaient tendance à traiter aussi bien les images provenant de l’histoire de l’art que celles issues de la culture de masse comme autant de fétiches, c’est-à-dire comme autant de signifiants à manipuler. Au milieu des années 1980, des genres et des médiums entiers (tels que respectivement, l’abstraction et la peinture) étaient abordés comme de pures conventions, réduisant des pratiques historiques complexes à des signes statiques situés pour ainsi dire hors du temps. [23] »

En s’emparant des figures classiques de l’abstraction, Parrino les transforme en stéréotypes : la peinture abstraite, si elle n’est pas morte, est bien figée et détachée de tout contexte ; elle n’est plus le lieu d’une « ouverture » [24], ni celui d’une prise de risque, ni encore une tentative utopiste de résister, remédier, ou bouleverser notre appréhension du monde contemporain. Elle est saturée par l’accumulation des gestes de l’expressionnisme abstrait, comme Clement Greenberg le remarquait lui-même en parlant de « standardisation » du tableau [25]. Et lorsqu’elle se réduit au monochrome, elle s’étouffe sous l’extraordinaire mille-feuilles que constituent les textes pour appréhender chaque monochrome et les différencier les uns des autres. Le monochrome a transformé la couche picturale en un palimpseste illisible et il ne reste, offert au regard, qu’une surface indéchiffrable. La peinture abstraite est ainsi devenue un ensemble de signes flottants, accessibles à tous, des signes indécidables. C’est cette perte de sens dont Parrino s’empare, en restituant le tableau monochrome dans ses atours et le plus souvent en portant sa monochromie vers le noir, comme s’il clôturait l’espace et le temps de la peinture moderniste, de Malevitch à Frank Stella. Il renforce cette perte de sens en employant des couleurs industrielles (peinture métallisée noire ou argentée) dans une logique qui souvent n’a pas été remarquée. Parrino, lui-même, emboîte le pas à une tradition picturale aveugle aux usages de la couleur, quand il dit : « Le noir, le blanc et la peinture métallisée sont des non-couleurs élémentaires qui exploitent la lumière d’une manière réelle. [26] » et Christophe Kihm d’ajouter : « Par la négation de la couleur, s’organise une célébration de la lumière ». Non seulement, aucun usage de la couleur ne permet de désigner une laque noire, un gris argent métallisé, ou même un blanc comme des « non-couleurs », mais, s’il y a un jeu de lumière, c’est bien dans le choix de ces couleurs et de leurs qualités (un noir mat n’est pas équivalent à un noir brillant), ce que montrent par contraste les autres œuvres monochromes (rouge, bleu, ou jaune) de Parrino. Cet effet de lumière, ou plutôt cet effet de réflexion de la lumière, découle de l’usage de couleurs industrielles, qui, contrairement aux couleurs destinées aux « beaux-arts », renforcent un effet d’extériorité de la peinture. La couleur dans ces peintures, ne pouvant plus être regardée comme un langage privé, c’est-à-dire comme une couleur élaborée et informée par l’artiste, provoque bien un effet de réel : elle redouble ainsi l’effet d’opacité ou de miroir du monochrome, le précipitant au devant du spectateur comme simple signifiant, emblème du monochrome.

On a ainsi dans un premier temps une double déprise, construite autour de deux appropriations, celle de la figure du monochrome et celle de la peinture industrielle, qui dans leur combinaison rappelle que la peinture est un objet matériel. Dans un deuxième temps, celui de la reprise, Parrino crée conjointement deux séries d’œuvres aux procédures différentes. Dans l’une, il perce le support du monochrome d’un ou plusieurs trous circulaires ou ovales, et quelquefois de fentes [27]. La violence, cependant, n’y est pas perceptible au premier regard, car le creusement de la toile est fait régulièrement autour d’un châssis spécialement conçu dans ce but. Ce trou, souvent central, n’en est pas moins une agression contre l’intégrité et la planéité du support. Il oppose au monochrome, qui est la figure par excellence de l’écran, une résistance visuelle : trouées, ces peintures deviennent indissociables du mur d’accrochage. On retrouve ici, parmi d’autres héritages formels dont celui de Frank Stella, la leçon d’Ellsworth Kelly rappelant que le rapport figure/fond qui était interne au tableau a glissé dans l’espace de l’accrochage en dressant le tableau découpé (shapped canvas), comme une figure sur le fond du mur. Mais là où Ellsworth Kelly, comme Frank Stella, entretiendra ce rapport autour des délimitations externes de la toile, Parrino inverse les positions et s’attaque au centre de la toile : le mur, ce mur blanc qui ancre la peinture dans un espace réel devient la figure centrale. Ce jeu d’inversion provoque tout à la fois une stabilisation du regard, le ou les trous accentuent la présence réelle de la peinture, et une déstabilisation : le blanc du mur fait-il peinture ? La toile devient-elle seulement un cadre ? Mais dans ce va-et-vient, la peinture ne se sauve elle-même que parce qu’au lieu de s’enfermer dans la réflexivité moderniste, elle en appelle ou elle se conjugue avec un espace extérieur à elle-même qu’elle convie en son centre. Et c’est cette extériorité, qu’on retrouve dans la plupart des œuvres de Parrino, qui assure la présence de la peinture à travers un choc visuel.

Visible vs dicible 

Le trou devient ainsi l’endroit où le monochrome regagne une présence par la perte même de son efficacité plastique. Mais il n’est pas indifférent de voir que l’évidement de cette place centrale fait vaciller d’autres codes picturaux. Non seulement le centre de la peinture est par excellence le lieu du point de fixation de la perspective, mais aussi le lieu, en regard, où se tient le spectateur. La béance au centre de la toile superpose alors deux perceptions : il n’y a plus rien, ni à voir, ni à énoncer ; la peinture devient une machine encadrante agissant comme une optique qui projette le spectateur dans un face à face direct avec le monde, c’est-à-dire devant un espace à investir ou un flux ininterrompu d’images. Le spectateur est ainsi acculé à un déséquilibre, soit il cherche sa place, soit il est renvoyé à lui-même, la peinture ne se superpose plus au monde réel, elle a perdu sa capacité à produire un écran. Ou comme le disait Walter Benjamin à propos de la photographie, c’est « le réel [qui] a pour ainsi dire brûlé un trou dans l’image » [28], mais non pas parce que le spectateur à chercher la « petite étincelle du hasard » [29] qui provoque cette trouée, mais simplement parce que le réel troue le plan de la peinture quand celle-ci n’invite plus le spectateur à une énonciation. En effet lorsque le tableau ne fait plus écran, un autre retournement intervient : si le centre du tableau peut être considéré comme le lieu qui, en le structurant, permet une énonciation, son absence vient déliter la relation du visible et du dicible. Cette relation si complexe pour l’art abstrait a été illustrée de deux façons différentes. D’un côté, un très grand nombre de peintres abstraits, de Piet Mondrian à Ad Reinhardt, ont écrit des textes en énumérant ce que le tableau ne pouvait être ou ce qui ne devait pas y être vu. Ces énonciations négatives évitaient, du moins les peintres l’espéraient, une contamination de la toile, ou que viennent s’y greffer des figures incongrues sous-jacentes au tableau. Elles assuraient, par prévention, la pureté du tableau, mais aussi un lien entre le signifiant et le signifié et la capacité de transcendance de la peinture. De l’autre côté, une surenchère de textes s’est développée à la surface du tableau avec l’explosion du monochrome, au point de le recouvrir totalement, de le rendre invisible si ce n’est inutile et de provoquer une inflation de signifiés dont les signifiants devenaient interchangeables. Pris entre des sentences négatives et des romans fleuves, le tableau est devenu la proie de tous les discours et c’est la somme de ces discours qui soudain crée une béance au centre du tableau : le visible ne supporte plus le dicible et sa perforation centrale affirme que tous les discours sont équivalents et possibles, livrant ainsi sans défense le spectateur au flux envahissant et non hiérarchisé des images du monde contemporain.

Et c’est ce flux, dans une œuvre comme Spin out Vortex (2000), qui surgit du centre de la toile et entraîne avec force celle-ci dans un mouvement tourbillonnant, tout en dessinant au centre un cercle parfait. Cette œuvre combine ainsi les deux modes de reprise de Steven Parrino : la béance centrale et la violence faite au support de la peinture. Ou quand les mots s’évanouissent, l’affrontement avec le réel est un mouvement circulaire qui se construit autour de son centre. Mais il ne peut s’agir d’une destruction de la peinture qui serait happée par le trou central, au contraire la toile est gonflée de plis au-devant de la planéité qui devrait être sienne et le cercle central évidé n’est aucunement défiguré par la torsion infligée à la toile : celle-ci semble subir une force extérieure qui la repousse dans l’espace réel, comme un retour du refoulé. Reprenant l’énonciation négative des peintres modernistes, Parrino intitule The No Texts un recueil de ses annotations, qui résonne ironiquement avec le No Future punk, où il dresse la liste de toutes les actions qu’il est possible de faire subir au tableau. Toutes ces actions s’en prennent au support de la peinture et non pas à la peinture elle-même entendue comme dépôt d’une pâte pigmentaire sur une toile. Elles présupposent toutes que la peinture pré-existe avant la mise en œuvre de ces actions, car jamais Parrino ne substitue une toile vierge ou déjà colorée industriellement à la toile peinte. Et c’est la peinture, en tant qu’objet, qui réaffirme dans ces manipulations violentes, sa présence et son extériorité muette.

Commune mesure et démesure

« Dégrafée, distendue, tordue, disloquée, arrachée, gonflée, pliée », les désignations même de ces actions sur la toile supposent une lutte contre un objet constitué, et toutes provoquent un nouveau retournement des principes essentiels de la peinture, sauf un, rarement franchi, la délimitation du plan, comme s’il était nécessaire de conserver un des paramètres de la peinture pour la donner à voir comme peinture. Comme l’écrit Steven Parrino, l’action de briser est réalisée dans un cadre traditionnel [30]. Le monochrome, en tant que signe du tableau, est rendu visible par le respect de la délimitation du plan et souvent par la réunion-opposition de deux pièces, l’une restant un monochrome laissé dans son intégrité, l’autre subissant une action violente sur la toile (par exemple, Kitten Natividad, 1991). Cette association inscrit une temporalité dans l’œuvre, non seulement les deux temps du processus sont rendus visibles, mais surtout deux temps de la peinture, qui référent à des décennies différentes, sont distingués, celui de l’acmé de la peinture abstraite et celui de la reprise par Parrino. Cette présence simultanée de deux temps de la peinture crée un basculement constant entre gain et perte, entre deux positions contradictoires : d’un côté, elle supprime l’écart temporel et affirme ainsi une présence toujours pertinente de la peinture et de son histoire ; de l’autre, elle redouble cet écart et accentue la violence de la reprise. D’un côté, elle rappelle la mesure commune de la peinture, de l’autre elle parie sur la démesure parce que cette commune mesure s’est évanouie. Et c’est dans la construction de ce système binaire, où la contiguïté et la discordance s’articulent étroitement, que les œuvres de Parrino trouvent leur assise. Système binaire, qui se retrouve aussi dans les œuvres où les deux temps du processus sont visibles par superposition et qui est préservé par le respect strict de la limite du châssis du tableau. En revanche, lorsque quelques œuvres se présentent au sol, sans châssis, froissées et mises en boule, le système s’écroule, les œuvres ne désignent plus qu’une seule temporalité et le geste de la démesure perd de sa pertinence : il devient simple jeu, simple représentation d’une rébellion factice contre la peinture, dont on peut se demander pourquoi la logique n’est pas poussée jusqu’au démembrement et déchirement de la toile. La démesure y trouve donc ses limites parce qu’elle ne rappelle plus qu’elle se construit sur l’absence d’une autre peinture dont seule la présence formelle a été reçue en héritage.

En effet cette démesure configure une présence lorsqu’elle apparaît dans un deuxième temps. Faire peinture est ainsi en premier un travail classique de peintre [31]. Le geste second ne crée une rupture que sur la surface rebondissante de l’écran toujours déjà là. Il contraint avec force l’histoire de la peinture à se plier à un acte individuel, illustrant d’une certaine façon l’opposition d’une histoire continue du modernisme et sa fragmentation en de multiples récits. Récit qui ici apparaît en même temps que la figure de l’artiste : en malmenant le support de la peinture qui devait se dématérialiser dans une proposition conceptuelle, la peinture revendique une matérialité, une tactilité et une extériorité qui s’affirment dans l’espace du spectateur. Elle se confronte à l’espace réel ; elle manifeste une révolte contre l’image lisse, opaque, renvoyant toujours à un ailleurs de plus en plus difficilement décryptable de la peinture abstraite et bouleverse la réception de la peinture. En rappelant son statut d’objet, elle renvoie aussi en miroir à l’envahissement de notre société par des objets glacés et impénétrables qui camouflent leur contenant, leur mode de fonctionnement et leur effet sur notre vie quotidienne, et même l’idée qu’ils puissent avoir été produits par une main humaine : elle appelle, si ce n’est à une nécessaire rébellion, à l’affirmation d’une liberté. Face au risque du silence de la peinture, comme à la distance masquée des objets technologiques de notre quotidien, l’action violente de l’artiste provoque l’irruption de dissonances et de distorsions : un bruit de la peinture qui crée un espace de résistance et produit un nouveau niveau de perception.

Brutaliser la peinture, c’est ainsi surajouter au nappage brillant dans lequel elle s’est évanouie, une esthétique du « choc » pour rendre possible – pour restaurer ? – l’expérience de la peinture. Mais cette expérience est-elle encore possible en superposant cette violence aux chocs répétitifs de la vie qui ont conduit à la perte de toute expérience selon Giorgio Agambem : « Nous savons […], aujourd’hui, que pour détruire l’expérience point n’est besoin d’une catastrophe : la vie quotidienne, dans une grande ville, suffit parfaitement en temps de paix à garantir ce résultat. Dans une journée d’homme contemporain, il n’est presque plus rien en effet qui puisse se traduire en expérience. » [32] Cette perte de l’expérience, que Walter Benjamin avait décrite comme attachée à l’expérience du choc, « est devenue la norme » de la vie moderne. Elle a été accentuée par l’accélération des flux d’informations et d’activités qui paraissent arbitraires et sans contrôles, mais surtout par la transformation systématique de ces flux en spectacles et en images assimilés sans hiérarchie, ni contextes. Et comme le souligne Susan Buck-Morss, pour préserver notre équilibre, ces chocs qui « insensibilisent l’organisme, étouffent les sens, refoulent la mémoire » anesthésient notre « système cognitif cénesthésique » [33]. La peinture de Steven Parrino se joue alors sur une ligne de crête : soit elle risque de tomber dans le jeu de la surenchère, de s’allier aux images violentes et éphémères et finalement de rebondir sans effet sur nos sens anesthésiés. Soit elle propose – et c’est plus vraisemblable - une nouvelle expérience de la peinture. Car, si elle surjoue par la violence une position d’extériorité, contrairement au principe d’intériorité classiquement admis dans l’histoire de la peinture, elle ne manque pas de préserver un signe, un élément des codes picturaux traditionnels ou encore un rappel de l’histoire de la peinture. Et c’est cette mémoire discrète d’une peinture devenue inaudible, mais inscrite au sein de l’arrachement de la toile qui relance comme une étincelle la possibilité d’une expérience de la peinture [34].

Antoine Perrot, 2014

Notes

[1Marta Jecu, « Les peintures détruites, ou les reliques en tant que nouveaux documents », in « L’Idée de la peinture », ESSE, n° 72, automne 2012, p. 43. Mais également Christophe Kihm : « cette magnificence accordée à la destruction de l’objet », in « Steven Parrino, conversations avec les morts », in art press, n°334, mai 2007, p. 40.

[2À ma connaissance, une seule toile est découpée et présente le châssis. Elle était visible lors de la rétrospective au Palais de Tokyo, Paris, mai-août 2007.

[3Voir la photographie de son exposition au CAN, Neuchâtel, 1998, publié dans artpress, n°334, mai 2007, p. 41.

[4Vincent Pécoil se contredit à ce propos en rappelant que Parrino cherchait « quelque chose qui rendrait la présence des peintures encore plus réelle », elles sont donc loin d’avoir ou de suggérer un « aspect fantomatique » ; Vincent Pécoil, « Steven Parrino, hantologie », in 02, n° 34, été 2005, p.13.

[5Steven Parrino, in Bob Nickas, Altered States, cat. expo., Forum for contemporary art, St Louis, Missouri, 1995 (cité par Vincent Pécoil, ibid, p.13, et par Christophe Kihm, « Steven Parrino, conversations avec les morts », in art press, n°334, mai 2007, pp. 38-42).

[6Steven Parrino, entretien avec David Robbins, Flash Art, n°264, Janvier-Février 09. On retrouve cette lecture directe d’un « satanisme revendiqué […] qui aurait épargné à Parrino le ridicule […] d’apparaître comme un énième agent de la déconstruction du tableau » chez Michel Gauthier, « Le temps des nécromants », in Flesh Théorie II, Paris, Éditions Léo Scheer, 2006, p. 185.

[7Par exemple, Aluminium Clouds (CRASH), for Drella, or Last Hope and the End of Painting, 1996.

[8Steven Parrino, in Bob Nickas, ibid, 1995, cité par Vincent Pécoil, in 02, n° 34, p.13.

[9Voir entre autres pour une généalogie rapide sur « la fin de l’art » souvent énoncée comme « fin de la peinture », Hal Foster, « Erreur sur le cadavre » in Design & Crime, Paris, Les Prairies ordinaires, 2008, pp. 159-181.

[10Douglas Crimp, « The end of Painting », in October Vol. 16, Spring, 1981, pp. 69-86 ; http://www.jstor.org/stable/778375

[11« Julian Schnabel talks to Max Hollein », New York, Artforum, avril 2003, p. 59, cité par Oli Sorenson, « Frôler la mort : tombeaux ouverts sur le parcours de la peinture du 19e au 21e siècle », in « L’Idée de la peinture », ESSE, n° 72, automne 2012, p. 8.

[12Voir les peintures avec des céramiques (assiettes) cassées de Julian Schnabel au début des années 1980.

[13Rhys Chatham « New York, années 1980 : dix ans de recherches en immersion », Volume ! 2/2010 (7:2), p. 185-210. URL : www.cairn.info/revue-volume-2010-2-page-185.htm.

[14Rhys Chatham, ibid.

[15Rhys Chatham, ibid.

[16Steven Parrino, The No Texts (1979-2003), New York, Abaton Book Compagny, 2003, p.17.

[17Vincent Pécoil, « Steven Parrino, hantologie », in 02, n° 34, été 2005, p.12.

[18On trouve néanmoins déjà cet attelage dépareillé, et donc en tension, chez Warhol quand il juxtapose deux panneaux, un monochrome et une répétition sérigraphiée de la chaise électrique, dans Blue Electric Chair, 1963.

[19André Leroi-Gourhan , Milieux et Techniques, Paris, Albin Michel, 1945, p. 425, cité par Martyne Perrot, « Quand faire sien, c’est faire autrement », in « Faire sien. Emprunter, s’approprier, détourner », Communications, n° 77, 2005.

[20Christophe Kihm « Typologie de la reprise », in Volume ! 1/2010 (7:1), p. 21-38 / www.cairn.info/revue-volume-2010-1-page-21.htm

[21Christophe Kihm, ibid.

[22Il serait intéressant à ce propos de dresser une généalogie de ce thème de la peinture abstraite comme « boîte à outils », Christian Zervos utilisant déjà cet argument, dès les années 1930 dans les Cahiers d’Art, pour dévaloriser l’abstraction à propos des œuvres de Jean Hélion – mais sans employer le terme de « ready-made ».

[23Hal Foster, Le retour du réel, situation actuelle de l’avant-garde, Bruxelles, Éditions de La Lettre volée, col. Essais, 2005, p. 127.

[24pour emprunter ce terme à Clement Greenberg, « Après l’expressionnisme abstrait », in Regards sur l’art américain des années soixante, Paris, Éditions Territoires, 1979, pp. 17-19.

[25Clement Greenberg, « Abstraction post-picturale », in Regards sur l’art américain des années soixante, Paris, Éditions Territoires, 1979, p. 34. Il ajoute même : « Une dizaine, et bientôt, un millier d’artistes, se mirent à triturer les mêmes viscosités de peinture, dans des gammes de couleur plus ou moins identiques, et avec les mêmes gestes sur le même genre de tableaux. »

[26Steven Parrino, Notebook, 1990, cité par Christophe Kihm, in art press, n°334, mai 2007, p. 40.

[27Une de ses premières expositions en 1987 s’intitulait Holes and Slots (the Nature Morte Gallery, New York).

[28Walter Benjamin, « Petite histoire de la photographie », in Œuvres II, Paris, Éditions Gallimard, Collection Folio Essais, 2000, p. 300.

[29Ibid, p. 300.

[30Steven Parrino, « Notebook, 1990 » repris dans The No Texts, (1979-2003), New Jersey, Abaton Book Company, 2003, p. 21.

[31Les œuvres de Parrino nous font oublier que celui-ci devait en premier s’appliquer à la fabrication de ses monochromes - l’image du rebelle en peintre moderniste en devient ironique.

[32Giorgio Agamben, Enfance et histoire, Paris, Payot & Rivages, Petite Bibliothèque Payot, 2002, p. 20.

[33Susan Buck-Morss, « Esthétique anesthésique », in Voir le capital, théorie critique et culture visuelle, Paris, Les Prairies ordinaires, 2010, p. 130-132.

[34« Ce n’est qu’à partir du moment où elle se corrèle à la mémoire sensorielle passée que la perception devient expérience ». Susan Buck-Morss, op.cit., p. 131.

Mots-clés

appropriation art contemporain destruction Judd Donald Kelly Ellsworth monochrome Parrino Steven peinture Reinhardt Ad représentation reprise Stella Frank surface temporalité violence

Documents

Bibliographie

Agamben Giorgio, Enfance et histoire, Paris, Payot & Rivages, Petite Bibliothèque Payot, 2002

Benjamin Walter, « Petite histoire de la photographie », in Œuvres II, Paris, Éditions Gallimard, Collection Folio Essais, 2000

Buck-Morss Susan, « Esthétique anesthésique », in Voir le capital, théorie critique et culture visuelle, Paris, Les Prairies ordinaires, 2010.

Chatham Rhys « New York, années 1980 : dix ans de recherches en immersion », Volume ! 2/2010 (7:2), p. 185-210. URL : www.cairn.info/revue-volume-2010-2-page-185.htm.

Foster Hal, Le retour du réel, situation actuelle de l’avant-garde, Bruxelles, Éditions de La Lettre volée, col. Essais, 2005.

Greenberg Clement, « Abstraction post-picturale », in Regards sur l’art américain des années soixante, Paris, Éditions Territoires, 1979

Jecu Marta, « Les peintures détruites, ou les reliques en tant que nouveaux documents », in « L’Idée de la peinture », ESSE, n° 72, automne 2012.

Kihm Christophe « Typologie de la reprise », in Volume ! 1/2010 (7:1), p. 21-38 / www.cairn.info/revue-volume-2010-1-page-21.htm

Parrino Steven, The No Texts, (1979-2003), New Jersey, Abaton Book Company, 2003.

Pour citer cet article

, « Peindre après la mort de la peinture., Violence et reprise dans les œuvres de Steven Parrino. ». Pratiques picturales : La peinture hors de ses gonds, Numéro 01, juin 2014.

http://pratiques-picturales.net/article17.html